Par Henri-Pierre Penel le 14.02.2018 à 18h08
Lors d’incendie de véhicules électriques, beaucoup plus délicats à maitriser que ceux de voitures traditionnelles, les pompiers se trouvent confrontés à de nouvelles conditions d’interventions.
Comme le prouvent régulièrement des « incidents » survenant sur des Smartphones, les batteries lithium-ion restent relativement instables et sensibles aux éléments extérieurs. Court-circuits, mais aussi chocs ou même températures excessives peuvent provoquer leur embrasement voire leur explosion. Un phénomène heureusement la plupart du temps sans conséquence grave mais qui prend une tout autre dimension s’il s’agit d’un véhicule électrique en raison de la quantité d’énergie stockée à son bord.
Il y a peu, en Autriche, l’accident d’une Tesla Model S a encore illustré ce phénomène et les problèmes qu’il soulevait pour maitriser l’incendie. Après avoir percuté le rail de sécurité de la route, le véhicule a subitement pris feu et il a fallu pas moins de 35 pompiers, cinq camions de lutte contre le feu et une intervention de plus de 5 heures pour maîtriser totalement la situation
En effet, pour sécuriser les batteries lithium-ion de forte capacité leur architecture se base sur une structure constituée de l’assemblage de nombreuses cellules élémentaires. Chacune dispose ainsi d’une capacité plus faible et donc plus facile à maitriser. Une architecture que nous avons déjà évoqué à propos de l’explosions de batteries de Smartphone. Cependant, si cette configuration limite effectivement le risque d’explosion de la batterie, elle soulève un autre problème.
Après l’effet « mémoire », l’effet « Phénix »
En effet, même si une unique cellule de base est affectée et prend feu à la suite d’un court-circuit ou d’un choc, cette surchauffe locale se transmet aux cellules voisines. Rappelons le, les batteries lithium-ion présentent un phénomène d’emballement thermique, qui conduit à leur embrasement spontané, dès que leur température interne grimpe au delà d’une centaine de degrés. Une température basse par rapport à celle des flammes d’un incendie. Il se peut ainsi que, bien que les flammes soient totalement éteintes, différents éléments du véhicule proche des batteries soient encore à une température supérieure aux cent degrés fatidiques. S’ensuivent alors des reprises spontanées d’incendie tant que la température de l’intégralité du véhicule n’a pas baissé. Le constructeur Tesla est d’ailleurs parfaitement conscient de ce phénomène. Il préconise une procédure d’intervention relativement lourde à l’attention des pompiers en cas d’incendie de batterie : « Si la batterie haute tension prend feu, qu’elle est exposée à une chaleur élevée, pliée, tordue, fissurée ou brisée de quelque façon que ce soit, utilisez de grandes quantités d’eau pour la refroidir » précise-t-il.
Par ailleurs, en raisons des vapeurs toxiques que dégage le feu de batteries, l’intervention ne peut se faire que sous protection respiratoire. Enfin, Tesla rappelle que de nouveaux départs de feu peuvent survenir plusieurs heures après une apparente extinction de l’incendie. Ils peuvent être liés à la présence de cellules en amorce de courts-circuits internes. Le constructeur conseille donc de vérifier durant une période de 48 heures qu’aucun « point chaud » ne persiste au niveau des batteries en utilisant une caméra thermique. Quoi qu’il en soit, si cette affaire fait beaucoup parler de Tesla, c’est l’intégralité des véhicules électriques et hybrides rechargeables qui présente ce type de risque. En effet, tous sont équipés de batteries lithium-ion de forte capacité. Certes des filières de batteries plus stables existent, comme la filière cadmium nickel, mais elles ne présentent pas un rapport masse/énergie stockée aussi intéressant. Or, l’autonomie est le talon d’Achille du véhicule électrique. Stocker une forte quantité d’électricité sous un faible encombrement est donc recherché, d’où la préférence des constructeurs pour la technologie lithium-on.
Une formation spécifique pour les pompiers sera probablement nécessaire
Sur les véhicules électriques l’intervention des pompiers s’avère ainsi différente et beaucoup plus lourde à mettre en œuvre que celle de l’extinction d’un feu de véhicule à essence ou diésel. Dans ce dernier cas les stratégies d’intervention sont « rodées » depuis des années. En électrique le recul n’est pas encore suffisant pour appréhender pleinement les différents scénarios d’interventions. Côté constructeurs, c’est essentiellement au niveau des concepteurs de batteries que des recherches doivent être entreprises pour « stabiliser au mieux » leurs productions. Cependant, le problème reste délicat. En effet, quel que soit le dispositif de stockage d’énergie exploité, de graves problèmes surviennent dès que la restitution de l’énergie n’est plus maîtrisée. Ce fait est également vrai pour les hydrocarbures à la différence près que dans le cas des hydrocarbures le phénomène de reprise de feu après extinction n’existe quasiment pas. En effet, la température d’inflammation spontanée, c’est-à-dire l’inflammation liée au contact avec un corps chaud mais sans flamme, de l’essence, est d’environ 250 °C et d’environ 220°C pour le gasoil. Il faut donc que l’essence ou le gasoil soit directement en contact avec des pièces portées à de telles températures après extinction des flammes pour qu’il y ait reprise de feu. Des conditions qui ne persistent que peu de temps.